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Paradis artificiel
Paradis artificiel
18 mars 2007

Tournesoleil - Thomas

Le début de soirée commença normalement - si dans ce genre de situation la normalité existe. Angélique en doutait, ce n’était que le calme avant la tempête, avant que les vrais adeptes de ce bar n’arrivent. Cela faisait longtemps qu’elle n’espérait plus une soirée sans alcooliques, bouteilles cassées, pelotages discrets, drogues et tentatives de viols ou d’agressions. En deux ans de carrière, la jeune femme n’en avait pas connu une seule et savait pertinemment que tant que le soleil ne s’était pas couché, elle était hors de danger ; il ne se passerait rien sans l’enivrement de la lune.

Voilà dix heures du soir passé, les hommes étaient d’ores et déjà bourrés. Arriva le moment où Angélique passa sur scène, un petit podium suivi d’une estrade ronde à un mètre du sol pour être bien visible et accessible. Elle s’accrocha à la barre et attendit le début de la musique. Les hommes ivres s’agglutinèrent devant la scène. Parmi le brouhaha et l’agitation, on pouvait entendre des «  Dépêchez-vous, Camélia va danser !!! » ou « vas-y ma puce, t’es bonne ! ». La danseuse était dans sa bulle. D’après son patron, elle était la meilleure streap-teaseuse de toutes les femmes de ce pub. Ca y est, la musique commençait. Camélia (Angélique) se mit à bouger. Sa danse était tout ce qu’il y avait de plus sensuel, ses mouvements fluides et son regard enivrant. La température montait et les hommes étaient tous sous le charme. Elle tournait, glissait, bougeait les hanches, levait les bras et grimpait à la barre. Lorsqu’elle frôlait le public, quelques hommes en profitaient pour glisser un billet dans ses bas ; c’était son pourboire. Une fois la danse finie, elle fît un signe de main à son fan-club et se retira. Lorsqu’elle dansait, Angélique jouait de son charme, se faisant croire à la fois accessible et intouchable.

Il était trois heures. La boite devait fermer à une heure, comme la loi l’indiquait mais cette entreprise de la débauche était tout ce qu’il y a d’illégale. Il reste encore quelques ivrognes qui finissaient leur verre et que les videurs allaient jeter dehors. C’était la fin de soirée, les danseuses comptaient leur recette pour la nuit et recevaient leurs payes. Quand le patron lui tendit ses quelques billets, il chuchota à l’oreille d’Angélique « Très bien cette danse… Je rêve encore du jour où tu accepteras de bai… sortir avec moi, Camélia… ». Angélique lui arracha l’argent des mains et s’en alla sans un mot.

Elle arriva chez elle aux alentours de trois heures et demi puis, après avoir changé de peau, elle s’empressa d’aller se coucher, épuisée de ce petit jeu de caméléon.

Elle finit par s’endormir. Trois ou quatre heures plus tard, on sonna à sa porte. Elle eut du mal à sortir de son lit, enfila sa chemise de nuit, ses pantoufles et, alors que l’on sonnait encore et encore, descendit les escaliers en criant qu’elle arrivait. Qui cela pouvait-il bien être ?

En ouvrant la porte, elle découvrit l’un de ses « ex » ; une aventure d’un soir avec qui ça ne s’était pas bien passé. Il poussa Angélique et entra chez elle. L’homme dégageait une nauséabonde odeur d’alcool ; bien sûr, il était ivre mort… Angélique ne savait plus comment réagir, elle le suivit jusque dans la cuisine en reprenant tant bien que mal ses esprits. En commençant à s’énerver et à crier, la jeune femme demanda à l’alcoolique de quitter sa maison sur le champ : il n’avait rien à y faire et elle refusait qu’il remette les pieds chez elle ou qu’il cherche à la revoir. L’homme devint menaçant et rétorqua qu’il l’aimait et qu’elle lui avait brisé le cœur, puis il fouilla dans le frigidaire. Il n’y avait pas de bière puisque Angélique mettait une barrière entre sa vie de lune et sa vie du soleil. Il s’énerva.

Les nerfs d’Angélique lâchèrent : elle se mit dans un coin, s’effondra en s’asseyant au sol comme pour fuir ce monde qui n’était pas le sien et prit sa tête entre ses mains ; elle était blottit. En sanglotant, elle répétait sans cesse au plus profond d’elle-même « Aidez-moi ! Je vous en prie, aidez-moi ! ».

Sur ces mots, elle rouvrit les yeux et releva la tête pour découvrir devant elle non pas une loque mais son sauveur, François. Il posa sa main sur l’épaule d’Angélique et à ce contact, elle ressentit une douce chaleur protectrice. Elle était surprise de le trouver là, à ses côtés et sécha ses larmes.

« Où… où est-il passé ?

     -   Je l’ai chassé, dit-il en souriant.

-         Je ne comprends pas. Que fais-tu ici ?

-         Il est huit heures du matin et j’allais au lycée quand je suis passé devant chez toi. J’ai vu la porte ouverte…et il gueulait.

-         … merci. ».

Angélique le serra contre elle.

François allait être en « retard ». Il n’allait plus à l’école depuis son suicide mais il devait assurer sa couverture. En réalité, il passerait sa journée à surveiller sa protégée et à se promener sur les nuages. En partant, il lui dit qu’il repasserait en fin d’après-midi.

De son côté, Angélique retourna se coucher, soulagée d’un lourd fardeau.

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